lundi 14 avril 2008

Quand la flambée des prix alimentaires produit des émeutes de la faim

Les émeutes de la faim
Et oui ça commence à occuper une place dans les médias. On commence (dans les pays riches) à parler des gens des pays pauvres qui sortent dans la rue parce qu'ils ont faim ou/et parce qu'ils protestent contre la flambée des prix alimentaires :
40 morts au Cameroun. Deux morts à Abidjan. Un mort en Egypte. Des blessés et des centaines d’arrestations au Burkina Faso et au Sénégal. 44 blessés par balle à Haïti. Des manifestations à Mexico, au Yémen et à Sefrou au Maroc, etc. etc.


Les causes de cette flambée des prix sont multiples, parmi lesquelles :

- La spéculation à la bourse de Chicago : pour absorber leurs pertes liées à la crise immobilière américaine (crise des subprimes), les traders se reportent maintenant sur les matières premières agricoles. Après quelques émeutes, l'Égypte a annoncé le jeudi 27 Mars 2008, l'arrêt temporaire de ses exportations du riz. Le vendredi 28 Mars 2008, le prix du riz dans la bourse de Chicago a augmenté de 30%.
Voici les chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) concernant la hausse des prix alimentaires (entre Mars 2007 et Mars 2008) :


- L'industrialisation des agro carburants : le bio-éthanol et le bio-diesel. C'est à dire qu'on préfère bruler du Maïs ou du blé pour remplir le réservoir de sa voiture pendant que des gens crèvent de faim. Comme il le dit bien Jean Ziegler (rapporteur spécial des nations unis pour le droit à l'alimentation), c'est un véritable crime contre l'humanité.

et
- Les plans d'ajustement structurels du FMI et de la Banque Mondiale :
En échange des prêts accordés aux pays en voix de développement, le FMI et la Banque Mondiale obligent ces pays à respecter leur politique de "récupération des couts". C'est à dire libéraliser des secteurs comme l'agriculture (entre autres) pour permettre à des investisseurs étrangers de venir s'y installer et obliger ces pays à orienter leurs production de matières premières d'exportation. Pour les experts de ces deux institutions, les pays tropicaux, semi-tropicaux ou semi-arides n'ont pas intérêt à cultiver du riz (par exemple). Pour ces experts, le riz doit être cultivé en Thaïlande ou en Viêtnam (avantages naturels).
Le petit documentaire de la BBC (Quand le FMI fabrique la misère) ci-dessous montre l'exemple du Ghana qui, à cause des suppressions des subventions locales imposées par le FMI et la Banque Mondiale, dépense maintenant 100 millions de dollars par an pour importer du riz des états-unis.

Suppressions des subventions locales aux paysans, libre échange, spéculation sur les matières premières. Il est temps que ça s'arrête.



Le FMI et la Banque Mondiale : la sélection naturelle passe par la survie du plus fort (darwinisme économique)

dimanche 6 avril 2008

Pourquoi le gouvernement veut "réformer" le système des retraites ?

Des Réformes...
Sur les retraites comme sur bien d’autres sujets socio-économiques, le gouvernement s'est "engagé" à appliquer des réformes. Dans le domaine économique, une "bonne" réforme est censée avoir comme objectifs la diminution du taux de chômage, l'accroissement du revenu par tête et le PIB par habitant, la réduction des inégalités de revenu, la réduction de la dette publique, etc. Ce qu'on constate depuis des dizaines d'années (surtout lorsque c'est la droite qui est au pouvoir) est que le mot réforme prend un autre sens. Au-delà de quelques petites mesurettes, un gouvernement de droite ne fait rien pour défendre les intérêts des plus démunis, pour rééquilibrer le marché de l’emploi et donc rééquilibrer le partage de la richesse nationale.

"Sauver" le système des retraites, disent-ils
L'époque donc où le mot réforme était synonyme de progrès social est révolue. Quand François Fillon dit qu’il veut sauver le système des retraites en allongeant la durée de cotisation des salariés, il est (c'est vrai) tout a fait cohérent dans son discours. C'est en effet une des solutions possibles mais ce n'est pas la seule. C'est surtout la solution qui est la moins favorable aux salariés. Même le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) montre dans ses rapport officiels qu'il y a plusieurs scénarios possibles et un de ces scénarios consiste à faire fonctionner le système des retraites actuel en augmentant les cotisations.
Oui il faut que les cotisations patronales augmentent, c’est le capital qui doit mettre la main à la poche et pas toujours les salariés.
Rappelons que la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté de 10 points entre 1980 et 2000. C'est à dire que 10% du gâteau sont passés sous le nez des salariés et évidemment ce qui a été perdu par les uns a été gagné par les autres (ça représente à peu près 200 milliards d'euros en 20 ans : 11% du PIB annuel).


Financer les retraites des "inactifs" par des "actifs" qui diminuent en nombre ?
Il y a trois arguments qui sont toujours répétés par le gouvernement pour défendre sa "réforme" : l'espérence de vie qui augmente, le ralentissement de la fécondité et le phénomène du baby-boom (l'augmentation importante du taux de natalité juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale) qui se transforme en papy-boom.
Ces arguments sont incontestables. D'après l'INSEE, en 2050, il n’y aurait plus que 1,4 "actif" pour un "inactif" de plus de 60 ans, contre 2,2 en 2005. Mais deux questions peuvent être posées :

1- Combien va produire un salarié en 2050 par rapport à celui de 2005 ? Autrement dit, comment évolue la productivité des "actifs" hier et aujourd'hui et comment est-elle supposée évoluer demain ?
2- Comment va évoluer la part des salaires dans la valeur ajoutée, entre maintenant et 2050 ?

Problème du financement en 2050 ?
Non, voici une petite démonstration :

Reprenons les chiffres de l'INSEE :
En 2005 : 2,2 "actifs" pour 1 "inactif" (de plus de 60 ans)
En 2050 : 1,4 "actifs" pour 1 "inactif" (de plus de 60 ans)
=> une baisse d'actifs de 36,36%, sur 45 ans
=> 0,8% d'actifs de moins par an (en moyenne)

Concernant la productivité des "actifs", la France est classée parmi les premières au monde (le gouvernement omet souvent cette réalité). Depuis un siècle, la productivité des "actifs" en France augmente chaque année d'au moins 1,5% (voir figure ci-dessous), source site banque de France.


En 2003, le premier ministre de l'époque avait affirmé qu’en « 1960 il y avait 4 actifs pour 1 retraité ; en 2000, il n'y en a que 2». C’est exact mais : à eux seuls, les deux actifs de 2000 produisaient 1,5 fois plus que les quatre de 1960 ! Et il n'y a pas de raison (vu la courbe de la figure précédente) pour que les 1,4 de 2050 ne produisent pas plus que les 2,2 de 2005.

Il est où le problème alors ?
Malgré la diminution des "actifs" par rapport aux "inactifs", le système actuel dit par répartition peut fonctionner puisque la productivité des "actifs" augmente tout les ans. Mais si les cotisations patronales baissent voire disparaissent (c'est ce que revendique le patronat), si les salaires n'augmentent pas, si le chômage réel (et pas les chiffres biaisés du ministère de l'emploi) ne diminue pas, alors là il y aura un problème effectivement.

Passer du système par répartition à un système par capitalisation
En gros, le gouvernement veut appliquer les recommandations libérales de la banque mondiale : passer de la répartition à la capitalisation, c’est-à-dire aux fonds de pension où chacun a sa retraite placée en Bourse. C'est à dire les gens seront obligés de cotiser 41, 42 voire 45 ans (et pourquoi pas plus) pour garder 75% de leurs salaires ou alors ils seront libres de partir à 60 ans s'ils avaient mis de l'argent dans des fonds de pension. Mais ils sont libres jusqu’au point où ils peuvent le faire.
M. Fillon ne prépare pas, tout simplement, des retraités pauvres ?
Rappelons aussi que Guillaume Sarkozy (le frère ainé du président) est à la tête d'un groupe de retraites complémentaires.

Croire encore en Sarkozy, Fillon et leurs amis = monter un peu plus haut dans l'échelle des illusions